6. Les paysans et la terre à la veille de la Révolution

Paysans au XVIII è siècle

Nous avons essayé, dans les chapitres précédents, à l’aide des archives de la commune, d’éclairer les rapports existant entre les membres de la communauté villageoise d’une cinquantaine de “feux”, qui constituaient la Paroisse de Gometz la Ville.

Tous vivaient de la terre : laboureurs ou manouvriers, et les artisans : bourrelier, maréchal-ferrant, charron, boulanger, cabaretier, cultivaient aussi un bout de champ.

Mais quelle part du terroir était, en 1789, la propriété de ceux qui y travaillaient ?

Alentours de Gometz la ville-Carte de Cassini (BNF)

Les documents d’archives, conservés à la Mairie, permettent une approximation. Tout d’abord :

L’état de section.

Établi en 1791, c’est un recensement de toutes les parcelles de terre en vue de la perception de l’impôt. Trois cahiers existent encore :

  • la section C, “de Hautrive tenant du levant sur la route de Briis à Gometz, du Nord sur le ruisseau qui conduit aux étangs de Marcoussis, du Midi sur le territoire de Limours, et du couchant sur le chemin de Gometz à Roussigny“.
  • les sections E et H

Au total de ces trois sections, sur 398 articles, les paysans et artisans de Gometz ou des pays voisins possèdent environ le quart.

Le rôle des impositions pour l’an V (1796-1797)

ll permet une autre approximation.

Sur 126 propriétaires imposés pour un revenu total de 46 869 livres, 7 totalisent 30 729 livres :

  • de Murinais — St Jean de Beauregard — qui possède, entre autres, la ferme de Montvoisin;
  • Blavette —Brochant, propriétaire de Baudreville, le plus imposé;
  • Devin, l’ancien Seigneur de Belleville et La Vacheresse;
  • Laborde de Ragonant
  • et 3 acquéreurs de biens d’Église.

Un seul cultivateur est imposé pour un revenu important : Claude Poluche, de Taillis Bourderie : 1464 livres 17.

Beaucoup de petites cotes : 3 articles : 17 livres de revenus et les “laboureurs” qui cultivent des fermes importantes ont des revenus fonciers modestes : 464 livres, 16 articles : 373 livres

En conclusion, il semble qu’en 1789, à Gometz la Ville, un quart seulement de la terre ait appartenu aux paysans et que la Révolution ait peu changé à cet état de choses.

Un bail de 1729

Pour le reste, ils en étaient fermiers et le bail minutieusement établi précisait les droits et obligations réciproques.

Voici, à titre d’exemple, et pour le plaisir du style, celui accordé le 15 juin 1729 pour la ferme de Belleville par “dame Françoise Métivier, veuve de Laurent Beasse de la Brosse, demeurant à Paris, place de Grève, paroisse Saint Gervais
Laquelle a délaissé à titre de ferme et prix d’argent pour neuf années et neuf dépouilles consécutives à commencer du jour de Saint Martin d’hiver de l’année prochaine 1730 et promet la dite dame faire jouir à Michel Grosset laboureur et à Catherine Labé sa femme de luy autorisée demeurant dans la ferme de Belleville cy après désignée étant à présent à Paris logés dans la maison (où pend pour enseigne la Herse grande rue du Faubourg et paroisse St Jacques du Haut pas)… la dite ferme de Belleville … avec la quantité de 150 arpents de terre … sept arpents de prez … et les bois… “

Le preneur fournira “à la dite dame Bailleuse: 6 chapons, 2 poullets d’Inde, une demy douzaine de pigeons de volière, six poullets, deux hottes de pommes de reinette et deux de poires”.

Le montant du loyer est de 1100 livres (plus 200 livres sur un acte particulier).

Suivent des obligations dont certaines figurent toujours dans les baux :

bonne fumure, cultiver et ensemencer les terres “sans les dessoler ni dessaisonner tenir les prez nets et en bonne nature de fauche, engranger les grains provenant de la dite terre dans la grange de la ferme afin que les foins y soient consommés en labourant, laisser deux raies à côté des jeunes plants d’arbres qu’ils ne pourront labourer qu’à la besche …”.

(Un bail ultérieur oblige à remplacer les arbres arrachés par “l’impétuosite des vents par un arbre Vif greffé Les saules pourront être coupés et émondés trois fois pendant la durée du bail — les aulnes une fois seulement”.

Et, en fin de bail, l’obligation classique de laisser le fourrage et la paille.

Dans le bail, à la description de la ferme, un détail surprend. L’ensemble des bâtiments est donné en location “sans aucune réserve, sinon seulement des chambres hautes qui sont au-dessus de la demeure du fermier, des bûchers ou serres dont la porte ouvre du côté du jardin et Clos entourés de murs que la dite dame Bailleuse se réserve pour en jouir et disposer ainsi qu’elle avisera”.

A Belleville, le Seigneur et le fermier vivent sous le même toit et la chambre de la propriétaire donne sur-la cour de la ferme. Le château ne sera construit que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et ce n’est qu’en 1852 que la ferme sera reconstruite à l’écart.

La concentration des terres

En 1754, le gendre de Michel Grosset, Jean Pescheux, et sa femme Marie-Christine Grosset qui ont succédé aux parents, prennent à bail outre Belleville, la Vacheresse et la petite ferme de Beaudreville précédemment loués à Jean Duval.

Les clauses varient peu – sinon le montant du fermage – et les preneurs s‘engagent à mettre sur les deux fermes “un troupeau de bestes à laine de 250 têtes au moins”.

En 1779, Louis Machelard, fermier de Feuillarde, prend à bail également Malassis, qui appartient à un autre propriétaire.

De tels regroupements sont fréquents au XVIIIe siècle. Les idées nouvelles en agriculture y encouragent.

D’autre part, les propriétaires préfèrent traiter avec un laboureur aux reins solides, disposant d’un important train de culture et plus apte, pensent-ils, à remplir ses obligations.

Bien que la situation des paysans se soit améliorée, dans l’ensemble, au XVIIIe siècle, les mauvaises années mettent souvent en péril les exploitations les plus fragiles. Le fermier s’endette avec, pour conséquence, la menace de la saisie. C’est le drame qu’évoque un petit billet conservé aux Archives et griffonné à la hâte par un huissier. ll s’est présenté le 1er mars 1759 à la ferme de Malassis pour effectuer une saisie contre le Sieur Ratel et celui-ci “a promis de payer le fermage samedi 3 mars sur le midy ou une heure

Protestation des habitants des Molières

Si le regroupement des fermes sert les intérêts des propriétaires et des “riches labouteurs”, il provoque aussi l’hostilité des “petits” écartés par “les gros” et qui craignent d’être réduits à l’état de manouvrier…

C’est cette inquiétude qu’exprime le cahier de doléances des Molières du 4 avril 1789 :

Article 3 Les ecclésiastiques ainsi que les nobles peuvent exploiter une seule ferme par leurs mains du labour de quatre charrues sans payer aucune imposition ni subside ce qui devient onéreux au Tiers-État

1/ Parce que la Paroisse se trouve chargée des Impositions générales.

2/ Parce qu’il leur était défendu de jouir ainsi de 4 charrues de labour qui peuvent composer et former 4 exploitations différentes ; ces 4 exploitations, faites divisément, procureraient l’établissement de 4 pères de famille.

Article 4 : Il devrait être aussi défendu à tous les laboureurs et meuniers de prendre plus d’une exploitation de ferme ou moulin composé d’un seul manoir ; en un mot il devrait être défendu aux Seigneurs soit ecclésiastiques ou nobles, même aux propriétaires roturiers de détruire des fermes qui formeraient diverses habitations pour les réunir en une seule qui empêche la multiplicité des établissements.

LA VENTE DES BIENS NATIONAUX

La Révolution ne donnera pas satisfaction aux paysans à ce sujet. Mais la vente des Biens Nationaux pouvait leur offrir l’occasion d’acquérir la terre qu’ils travaillaient et à laquelle ils étaient, par nécessité, si attachés. Ce sera l’objet du‘prochain chapitre.

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