7. La vente des biens du Clergé
En 1789, nous l’avons vu, les paysans de Gometz la Ville ne possédaient qu’une petite partie des terres de la paroisse.
A l‘exception de Taillis Bourderie, toutes les belles fermes appartenaient ou au Clergé, ou à de grands bourgeois.
Les paysans de Gometz la Ville allaient-ils profiter de la mise en vente des biens du Clergé pour les acquérir
Une bonne affaire
On se rappelle que l’Assemblée Constituante, pour résoudre la crise financière, avait confisqué les biens du Clergé qui devaient servir de gage à un papier monnaie, les Assignats. La vente devait avoir lieu aux enchères. Les conditions de paiement étaient avantageuses, 12 % du montant de la vente dans la quinzaine, le reste en 12 annuités égales dans lesquelles était compris l’intérêt du capital à 5 % : une affaire, lorsqu’on songe à la dépréciation de la monnaie pendant la Révolution.
La première vente, annoncée par des placards (voir le fac-simile) eut lieu à Versailles le mardi 28 décembre 1790.
Aucun cultivateur de Gometz la Ville ne se porta acquéreur. Duval fis et Louis Machelard qui assistent à la séance, y sont au titre de Commissaires de la Municipalité.
Vincent Deshays, “laboureur” demeurant à la ferme de St Clair, à Pecqueuse, cette ferme dont on aperçoit de la route les beaux bâtiments anciens, Vincent Deshays enlève Malassis (au Prieuré de St Paul) et Feuillarde (à l’Abbaye des Vaux de Cernay) : 92 800 livres au total. ll semble qu’il ait très peu exploité ces terres dont il fit une seule ferme qu’il revendit 209 000 francs-or, le 25 juillet 1821, à un grand propriétaire parisien, M. Fourcault de Pavant.
Un marchand de bois de Versailles, Jean Laisné, paie 160 200 livres la Grande Ferme de Gometz la Ville, (ferme Auvray) qui appartenait aux moines des Vaux de Cernay. Mais l’acquéreur est en réalité un habitant d’Orsay : Desjobert. Quant à la Ferme de la Boulay (ferme Michel Lerebour), propriété des Dames de St Mandé, vendue en 1793, elle est adjugée 124 500 livres, sur une évaluation de 27 000 livres, à Jean Baudoin, marchand de vin à Paris. Mais l’acquéreur est en réalité un ancien député à la Constituante, partisan déclaré de la confiscation des biens du Clergé : Guy, Jean Baptiste TARGET.
Le citoyen Target, “père et mère de la Constitution”
C’est un personnage intéressant, très célèbre en son temps et que la thèse de M. J. Hudauit permet de mieux connaître.
D’une famille d’origine paysanne, son père a été reçu avocat au Parlement de Paris et a épousé en 1722, Marie-Madeleine Gohier d’Armenon dont la famille, très influente dans le monde de la finance, possède entre autres, aux Molières, deux beaux domaines : Quincampoix et Armenon.
Guy Jean-Baptiste est lui aussi avocat au Parlement de Paris et pour ses débuts (il a 18 ans) il démêle, à l‘avantage de sa famille, une affaire très compliquée de droit féodal qui opposait les Seigneurs de Belleville aux propriétaires d’Armenon depuis un siècle.
Sa réputation de juriste est considérable : avocat consultant des frères du roi : Monsieur (le futur Louis XVIII) et le Comte d’Artois (Charles X), il est le défenseur du Cardinal de Rohan lors du procès du Collier de la Reine. ll est membre de l’Académie française. On est alors à la veille de la Révolution, en plein bouillonnement d’idées. ll prend une part active à la lutte contre l’absolutisme, soutient les Parlements contre le Pouvoir royal et contribue à la publication de l’édit de Louis XVI qui rend l’état-civil aux Protestants.
Député de la “Vicomté de Paris” aux États-Généraux, il devient Président de la Constituante et joue un rôle si actif dans la rédaction de la Constitution de 1791 : “la fille à Target” qu’il devient la cible des journaux royalistes. A cause de son obésité, il est ridiculisé dans des pamphlets : “Les couches de Target : père et mère de la Constitution”.
Après la Constituante, il s’efface, refuse pour raison de santé de défendre le Roi, traverse discrètement la Terreur, et termine sa vie dans la Magistrature où il prend part à la rédaction des Codes civils et criminels.
Il meurt le 9 septembre 1806 aux Molières, où il a toujours aimé se retirer. Le registre d’état-civil précise qu’il était membre de la Cour de Cassation, de l’Institut, de la Légion d’Honneur et qu’il “demeurait momentanément en sa ferme des Molières”.
Les paysans se partagent les terres de la Fabrique
Ainsi les habitants de Gometz la Ville n’ont pas osé se porter acquéreurs des grandes fermes.
Un cabaretier de St Clair : Louis Simon Duvivier plus tard maire de Gometz le Châtel, enlève les terres de la Commanderie du Petit Déluge à Beaudreville, ex-propriété de l’Ordre de Malte.
Mais ils vont se partager celles de la Fabrique qu’ils cultivent déjà comme locataires et dont le revenu assurait en partie l’entretien de l’Eglise, de l’Ecole, des Pauvres.
Ce sont de petites pièces : 2 arpents, 1 arpent 25 perches, 175 perches, aux Prés Mouchards, à la Mare de I’Eglise, à Talibourderie ou sur le chemin de Mauregard à Gometz
Au total, une vingtaine de lots adjugés les 28 et 29 Pluviose An III (1795) à Louis DUVAL, Jacques PESCHEUX, Louis DELANGE, Eustache BRIERE, le maréchal, Jacques HEME le boulanger, Claude POLUCHE, Jean-Pierre HAMELIN
Les prix : 3000 à 6000 livres (en assignats dévalués) convenaient mieux à leurs possibilités.
La terre de la Cure : 2 arpents 25 perches au Chantier des Grands Bois avait été achetée en novembre 1791 par le citoyen Devin, l’ex—Seigneur de Belleville pour qui le Curé, l’Abbé de Marre s’était porté acquéreur.
Quant aux granges de la Cure et au Presbytère, ils seront vendus à leur tour et nous aurons l’occasion d’en parler.
En conclusion…
Ainsi, à Gometz la Ville, la Révolution a changé peu de choses dans la répartition de la propriété.
Les domaines ecclésiastiques sont passés aux mains de la Bourgeoisie : Desjobert, maire d‘Orsay, Target, avocat, et Vincent Deshays, ex-laboureur à St Clair que l’on retrouve très vite bourgeois de Versailles.
Les cultivateurs se sont partagé les miettes : les biens de la Fabrique qui étaient déjà leur propriété collective, et ce n’est que lentement, à la fin du XIXe siècle, au début du XXème surtout, que la propriété paysanne s’étendra sur le terroir de Gometz.