9-LA MUNICIPALITÉ PENDANT LA RÉVOLUTION

Après avoir cherché à comprendre ce qu’avait été la vie de notre village sous l’Ancien Régime, nous allons nous intéresser maintenant à la période révolutionnaire.
C’est à cette époque que la Paroisse de Gometz la Ville est devenue une Commune dotée d’une Municipalité élue sans doute à la suite de la loi du 14 décembre 1789.
En savoir plus sur la loi du 14 décembre 1789...
Nous ne connaissons pas de documents sur cette période le seul qui intéresse 1789, c’est le “Cahier des Doléances” de la Paroisse, rédigé avant la Réunion des États Généraux.
Le style est celui de l’Ancien Régime :
« L’An 1789, le 13e jour d’Avril, par devant nous, Jean Louis de la Noile, Lieutenant Général du Bailliage et Comté de Limours », mais les idées exprimées, celles des Philosophes « Liberté, Égalité », vont faire exploser la Révolution.
Les deux « députés » de la Paroisse, élus le même jour, André Jacques Philippe Le Brun de Ragonant et Pierre Duval, laboureur, ont charge de défendre les idées, mais aussi d’exprimer aux autres représentants du « Tiers » les problèmes qui intéressent particulièrement les habitants de Gometz la Ville : les ravages du gibier (Gometz la Ville est sur le territoire des chasses royales) et la taxation des terres.
Outre les deux mandataires, ont signé ce document huit habitants seulement :
PESCHEUX, syndic ; Louis DUVAL ; Claude POLUCHE ; VAVASSEUR ; Jacques BOITE ; Claude BILLARD ; Jean BRETON ; Jean-Baptiste BLAIN.
Des noms que nous allons retrouver...
JEAN BRETON, MAIRE
Et d’abord celui de Jean BRETON, « bourrelier en cette paroisse » ; il a sans doute été notre premier Maire. C’est lui qui a signé, le 17 juillet 1790 « l’Etat désignatif et estimatif des biens du Clergé dans l’étendue du territoire de la Municipalité de Gometz la Ville ».
– 1791, les membres “du Conseil Général de la paroisse certifient conformes à la Vérité, les comptes établis par le Curé, l’Abbé de Marre, pour l’année 1790, afin de lui assurer le montant de la Portion Congrue reconnue par la Loi”.
Le document est signé du Maire : BRETON, et des membres de la Municipalité :
– HAMELIN, notable
– J. HEME, officier
– SEBIRE, officier
– BLAIN, notable
– TATREHO, notable
– VAVASSEUR, notable
– L. MACHELARD
– et PILON, greffier.
La dénomination « Conseil Général de la Paroisse » marque l’hésitation qu’éprouvent les responsables à se qualifier. Mais la Municipalité existe et à partir de 1792, nous connaissons mieux son activité grâce à un registre conservé à la Mairie, et où sont consignés, dans un ordre qui laisse perplexe, une multitude de faits : plaintes et procès verbaux pour vols, violences délibérations, élections, réquisitions, délivrance de passeports qui prouvent combien grandes et complexes ont été les responsabilités de ces cultivateurs et artisans partagés souvent entre les autorités du district de Versailles qui exigent, et leurs administrés qui traînent les pieds.
LES DIFFICILES IMPOSITIONS
Le Maire est alors Pierre SEBIRE, et le compte-rendu est de la main de Gervais PILON, ce maître d’école dont nous avons déjà parlé, et dont le style, hélas, n’est pas toujours très clair.
« L’an 1792, le 1er de la Liberté Française, le lundy deux avril, deux heures de relevée … »
Pourquoi cette réunion ?
La Municipalité a fixé un taux d’imposition des terres qui ne donne pas satisfaction aux autorités.
A la suite de l’intervention de deux envoyés de Versailles, l’Assemblée, ayant reconnu que l’évaluation déjà faite ne remplissait point le but de la loi et qu’elle était absolument inférieure au taux raisonnable, il a été arrêté que l’Assemblée procéderait à l’instant à une nouvelle estimation des bien-fonds…
Et immédiatement des taux plus réalistes sont adoptés. Mais là ne s’arrêtent pas les réprimandes. Les Patentes n’ont pas été payées : les envoyés menacent de saisie les marchandises.
Quant au Registre Civique pour l’organisation de la Garde Nationale, il n’existe pas.

Et à l’instigation des Versaillais un Tribunal de Police Municipale est constitué sur le champ, qui « tiendra ses audiences tous les Dimanches, à l’issue de la Messe paroissiale en la maison de l’école de la dite paroisse ».
Notons au passage que la salle de Réunion a été d’abord “la maison d’École” qui était louée. Ce sera ensuite le Presbytère, après le départ du Curé, et enfin la Maison Commune, construite sur la place, délimitée par la route de Chartres, le chemin de Janvry, le cimetière et le Presbytère, sensiblement au même endroit qu’aujourd’hui.
Mais, revenons à nos Contributions. Le taux plus ou moins imposé par les représentants du district semble avoir été mal accueilli. Existe-t-il d’ailleurs un Impôt qui le soit bien ?
Et à la date du 9 juin I792, le registre rend compte des protestations très vives des contribuables auprès du procureur de la commune et de l’envoi d’une pétition au Département. A signaler que les protestataires marquent « les lois du royaume ». Nous sommes en 1792 et Louis XVI, s’il n’est plus Roi de France, est encore Roi des Français pour un mois.
LA PERCEPTION DES IMPÔTS
Le service de perception des Impôts que nous connaissons, n’existe pas alors. Il date du Consulat.
C’était à l’Administration Municipale d’y procéder. Elle s’en déchargeait sur un particulier à la suite d’une Adjudication au rabais.
Ainsi le dimanche 4 mars 1792, a lieu l’adjudication de la perception de la Contribution foncière de l’année 1791. C’est une décision importante. Elle a été annoncée à l’avance sans doute au Prône affichée au lieu ordinaire : la porte de l’Eglise, et annoncée au son de la cloche.
Personne ne s’étant proposé pour le taux de 3 deniers par livre, c’est le boulanger : Jacques HEME, qui obtient l’adjudication avec une offre de 6 deniers par livre (soit 2 1/2 % environ), ce qui apparaît bien peu pour les difficultés que l’on imagine …
Le montant de la taxation de la Commune est alors de 439 livres, dix sols, neuf deniers.
En savoir plus sur le système de monnaie de l'ancien régime et système duodécimal
Contribution foncière : 412 livres 15 sols 6 deniers
Taxation mobilière : 25 livres 4 sols 6 deniers
Patentes : 1 livre 9 sols 9 deniers
Fin 1792, c’est le Charron, Jacques BOITE, qui soumissionne pour l’adjudication des contributions de l’année en cours, au taux de 9 deniers par livre, et sa femme, Thérèse Julienne PESCHEUX lui apporte sa caution.
Le montant total des contributions pour 1792 s’élève à 645 livres, 16 sols, 9 deniers.
Les nouveaux taux imposés par les Commissaires du District ont sensiblement alourdi la facture.
LES RESPONSABILITÉS DE LA MUNICIPALITÉ S’ACCROISSENT
Aucune mention n’est faite du grand bouleversement de l’été 1792 : la prise des Tuileries, la fin de la Monarchie, la République. Mais les événements apparaissent en filigrane, dans le détail du quotidien.
Ainsi cette déclaration solennelle rédigée au moment où, à Paris, la Patrie a été déclarée en danger :
« L’An mil sept cent quatre vingt douze, le deux septembre, les Maires et officiers municipaux, procureur de la Commune, Curé et autres citoyens de la Commune de Gometz la Ville, ont prêté le serment prescrit par la loi du douze août 1792 de l’égalité et liberté et de mourir en la défendant et ont signé… » le Maire, les officiers municipaux, le Curé de MARRE et plusieurs habitants dont une femme : Michelle PESCHEUX et le propriétaire de Ragonant, LA BORDE.
Le 8 septembre 1792, Pierre SEBIRE enregistre l’engagement des premiers Volontaires Nationaux de la Commune : Louis MATHIEU, âgé de 19 ans et Jean DAVID, 20 ans.
Quelques semaines plus tard, apparaît la mention : « L ’An III de la Liberté – Le 1er de l’Égalité et de la République Française ».
À cette première République qui succéda, sans être proclamée, à la Monarchie abolie par la Convention, le 21 septembre 1792.
La gravité de la situation impose à la Municipalité des responsabilités nouvelles en particulier celles qui étaient autrefois à la charge du Clergé : l’Enseignement, l’assistance aux pauvres, l’État-Civil.
Elle fixe le traitement du Maître d’École : 550 livres sur lesquelles elle paiera 200 livres. Le reste est à la charge de la Fabrique dont elle désigne le receveur des deniers : Claude POLUCHE de “Talibourdrie”.
Le 28 octobre 1792, le citoyen DEMARRE, Curé, rend compte du revenu des Pauvres :
« Après avoir calculé le dit compte, il s’est trouvé que le dit Curé redevait à la Charité la somme de 31 livres, 5 sols, ce que le dit Curé nous a remis à l’instant… » avec les titres des donations faites dans le passé en faveur des Pauvres.
Le 15 novembre 1792 « et premier de la République Française » c’est la laïcisation de l’État Civil.
Le Curé remet au Maire SEBIRE et au procureur BOITE, les registres sur lesquels étaient consignés depuis 1594 Baptêmes, Mariages, Sépultures. Désormais, l’État Civil enregistrera sous la responsabilité de la Municipalité les naissances, les mariages, les décès.
Fin 1792, lorsque se termine le mandat de Pierre SEBIRE, les tâches de la Municipalité sont devenues plus absorbantes, cependant les dépenses du Maire pour l’année apparaissent bien modestes : 43 livres dont :
– 17 livres pour 2 registres,
– 10 livres pour le sceau de la Municipalité,
– 6 livres, un voyage à Paris.
– « plus dans le temps de la Révolution qui a eu lieu à Limours, avoir fait un voyage au district de Versailles : 3 livres ».
LE RENOUVELLEMENT DU CORPS MUNICIPAL
« Le Dimanche 16 décembre 1792, l’An 1er de la République Française, à 10 heures du matin, à l’issue de la Messe paroissiale » il est procédé à l’élection d’une nouvelle Municipalité.
L’Assemblée, qui comprend 22 votants, désigne déjà comme scrutateurs, à l’unanimité, les 3 plus anciens: Jacques HEME, Mathurin REMOIS et Louis MACHELARD.
Un premier scrutin désigne les membres du Bureau. Chaque citoyen écrit ou fait écrire son bulletin sur le Bureau par l’un des trois scrutateurs. Pour prévenir toute fraude, le nombre des bulletins recueillis est comparé à la liste qui a été établie.
Jean BLAIN est élu président avec 9 voix « à la pluralité relative ».
Gervais PILON : 19 voix, est Secrétaire.
Louis DUVAL, Louis MACHELARD, Claude POLUCHE sont élus scrutateurs.
Un deuxième scrutin désigne alors les membres du “Corps Municipal”.
– Maire : Jean BLAIN, 13 voix.
– Officiers Municipaux : Germain SEBIRE, Louis DUVAL.
– Procureur : Jean ROQUET (au 3ème scrutin).
– Notables : Jean-Louis GROSSET, Claude POLUCHE, Jacques BROSSET, Jacques GATlNOT, Eustache BRIERE, Claude TATREHO.
En outre, est élu Officier pour tenir l’État Civil Gervais PILON.
Pour terminer :
« Le Corps Municipal en exercice et en présence de toute l’Assemblée a prêté le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution de la République, d’être fidèle à la Nation et à la Loi et de bien remplir leurs fonctions ».
Des fonctions qui vont être lourdes à assumer. Nous sommes en 1792, le procès du Roi se déroule devant la Convention et dans quelques mois, pour faire face à la guerre étrangère, à la guerre civile, à la crise économique, les Montagnards vont imposer des mesures révolutionnaires.
Nous allons voir comment la Municipalité de Gometz la Ville, présidée par Jean BLAIN, un artisan tailleur, a su “remplir ses fonctions”.
Élue, nous l’avons vu, le 16 décembre 1792, la nouvelle Municipalité comprenait, outre le Maire Jean BLAIN, les officiers municipaux que l’on peut comparer aux adjoints, les notables (nos actuels conseillers) et le Procureur.
Doté d’attribution très étendues, ce corps municipal doit veiller à l’exécution des lois et il faut noter, dans une période si troublée, la rapidité des transmission.
Ainsi, le serment civique prescrit par la loi du 12 août 1792 est prêté à Gometz le 2 septembre et le calendrier républicain assez complexe institué à l’automne 1793 apparaît dans le registre de la commune le 2 novembre.
Calendrier républicain
Thermidor par Louis Lafitte
(Bibliothèque Nationale)

LES MANIFESTATIONS CIVIQUES
Voyons notre Municipalité à l’œuvre au cours de ces années terribles. A la suite de l’exécution du Roi (21 janvier 1793), les frontières sont envahies, la Vendée se soulève, les Montagnards et les Girondins se déchirent.
La Municipalité affirme son civisme par un acte symbolique :
« Dimanche 10 du présent mois de mars 1793, l’An Il de la République Française, l’Arbre de la Liberté a été planté par le Maire, les Officiers Municipaux assistés du Procureur de la Commune ».

Plusieurs décharges de coup de fusil sont tirées… Mais l’arbre de Gometz n’aura pas la belle longévité de celui des Molières
Fin 1793, nouvelle preuve de civisme : la Municipalité offre son trésor pour le salut de la Patrie.
« Duodi de la seconde décade de Brumaire, seconde année républicaine (2 novembre) nous, Maire, Officiers Municipaux, Procureur et notables de la Commune de Gometz la Ville …
Considérant que le 1er des devoirs des citoyens est de venir au secours de la Patrie, avons arrêté d’envoyer à la Convention Nationale toute l’Argenterie qui se trouve dans notre Église suit la liste:
encensoir, soleil, ciboire, vases des saintes huiles, calice et patène, coquille et la tasse de la Vierge »
Les citoyens BLAIN, DUVAL, et DEMARRE, le curé, ont mission d’offrir le tout à la Convention Nationale « en les assurant de notre soumission à la loi ».
A Paris, la délégation aura droit à l”honneur de la Séance, et une motion votée par les députés lui accordera “Mention honorable et insertion au Bulletin”.
LES MESURES RÉVOLUTIONNAIRES

Face au péril, la Convention a mis la terreur à l’ordre du jour.
Conformément à la loi, un Comité de Surveillance est établi à Gometz la Ville. Les sept membres désignés par la Municipalité : DUVAL père, Philippe MOYE, Jacques HEME, Jacques BOITE fils, Pierre SEBIRE, Jean BRETON et Pierre HAMELIN prêtent le serment « d’être fidèles à la Nation à la loi et de ne jamais faire à autrui ce qu’ils ne voudraient pas qu’il leur soit fait terme de la Constitution populaire républicaine” (20 novembre 1793)
Ce Conseil, chargé de dresser la liste des suspects et de surveiller les Étrangers, semble avoir été très débonnaire et Gometz a été un havre de paix pour les anciens Seigneurs de Belleville et de Ragonant, les citoyens DEVIN et LABORDE qui y ont passé la terreur à l’abri des turbulences parisiennes. Belleville est un refuge pour la famille et les amis des propriétaires qui viennent pointer à la Mairie et à qui on délivre des passeports lorsqu’ils se rendent à Paris.
D’ailleurs, les citoyens DEVIN et LABORDE se montrent respectueux de la Loi. Ils apportent à la Mairie, afin qu’ils soient brûlés, tous les titres de féodalité qui sont encore en leur possession et ils accueillent de bonne grâce la visite d’une délégation municipale venue mettre en réquisition les Grilles des Châteaux.
Le citoyen DEVIN affirme même qu’il donnera toujours l’exemple de la soumission aux lois mais le greffier, Gervais PILON, qui avait noté sur le registre que cela « était agir en Républicain » pris de scrupules raye ces quelques mots et ajoute dans la marge « satisfaisant de la part du citoyen DEVIN », ce qui parait plus vraisemblable.
Avant de partir, la Commission examine les cheminées et constate qu’elles sont “conformes à- la Loi qui ordonne que les plaques du cy-devant écussion de France étaient retournées”.
INTERRUPTION DU CULTE
Le Curé était alors l’Abbé de MARRE, devenu le citoyen DEMARRE. Un certificat de résidence de février 1793 constate qu’il est depuis 9 ans dans la Commune. Il a prêté le serment à la Constitution civile du Clergé, votée par la Constituante et refusée par les Prêtres Réfractaires et il semble que ses rapports avec la Municipalité aient été bons. Il est l’un des trois mandataires désignés pour porter à la Convention l’Argenterie de l’Église et nous avons vu que les assemblées municipales se tenaient à « l’issue de la Messe paroissiale ».
Fin 1793, les choses changent. Une violente campagne de déchristianisation a provoqué la fermeture de bien des églises. Mais à Gometz la Ville un fait va intervenir: c’est le mariage du Curé, consigné dans le registre de l’état-civil de la Paroisse :
“Aujourd’hui Duodi de la troisième décade de Brumaire seconde année de la République Française une et indivisible, et mardi douze Novembre 1793 Vieux style heures de midi par devant moi Gervais PILON sont comparus devant moi dans la Maison commune pour contracter mariage d’une part, JeanPierre, Joseph, Jacob DEMARRE, Curé de cette commune âgé de 40 ans domicilié dans cette commune depuis dix années et d’autre part Marie Gabrielle SANDRAS âgée de Vingt ans …”
Les témoins sont pour le marié : Eustache BRIERE Maréchal-Ferrant et Jacques BOITE fils, Charron. Pour la mariée : Louis GIRARD et François PLASSARD, journaliers à SAINT CLAIR.
Les mariages des prêtres ont été fréquents dans le clergé constitutionnel, parfois organisés par les autorités.
Le 23 Frimaire An II (l3 décembre l793) l’ancien curé quitte Gometz avec un passeport pour APT dont il est originaire, après avoir acquitté entre les mains de Jacques HEME, percepteur de la commune, le montant de ses impôts, 78 livres 1 sol… Après le départ du Curé, un ordre de réquisition frappe les objets du culte. Un mémoire établi en Janvier note les grilles du choeur et du cimetière, un lutrin de fer pesant 150 livres, des flambeaux et chandeliers de cuivre jaune ou argenté et établit la liste des ornements sacerdotaux: chappes, chasubles, dalmatiques sans oublier deux bannières et un dais. Une liste qui laisserait rêveur l’actuel (* en 1980) curé de Gometz, le père Laplace.
La Municipalité décide, sur l’injonction du District de Versailles, que ces objets de peu de valeur seront vendus aux enchères. Mais le registre ne porte pas de trace de cette vente.
Quant à l’église, contrairement à ce qui se passa dans d’autres endroits, il semble bien qu’elle soit restée vacante car à deux reprises le registre note la démarche de prêtres qui se présentent pour y exercer leur ministère.
LE DIFFICILE PROBLÈME DES RÉQUISITIONS
A l’automne 1793, la Municipalité décide la construction de la Maison Commune ; c’est ce qui ressort d’un acte du 9 octobre adjugeant les Ormes de la Place de l’Église à Benoît DUPAIN de Verrières pour 800 livres avec obligation “d’arracher les arbres dans les huit jours qui suivront et de faire débarrasser tout de suite la dite Place afin que l’on puisse jouir de la dite Place pour l’arrivage des ’mathériots’ de construction de la Maison Commune”.

Mais les artisans et cultivateurs qui forment la Municipalité ont des problèmes beaucoup plus délicats à régler, particulièrement celui des réquisitions.
C’est à eux que le District demande de fournir paille, fourrage, charrettes et chevaux pour l’armée et surtout du grain pour ravitailler les villes.
Il faut répartir ce qui est demandé entre les cultivateurs, et on imagine les difficultés.
La loi du Maximum ne facilite pas les choses. Votée par la Convention, elle fixe un prix maximum pour les denrées et les salaires. On sait que cette loi, qui vida les marchés et les magasins, fut si impopulaire que le 10 thermidor, Robespierre sera conduit à la guillotine aux cris de “A bas le Maximum”.
A Gometz la Ville, la Municipalité enregistre les prix fixés : « quintal de blé extra 14 livres, de farine 20 livres, de méteil, 12 livres, de seigle 10 livres, de blé de Turquie ou mais 8 livres” et s’efforce de satisfaire aux de mandes
Par exemple, le 6 Brumaire An II, 1390 quintaux à fournir pour le marché de Monthléry.
Les appels du District évoquent la situation tragique des villes en proie à la disette.
“Au nom de la loi, Au nom des 20 000 âmes prêtes à manquer de pain, ordre de conduire au Moulin Aubert (à Gif) les 75 quintaux de froment, sinon la Municipalité sera dénoncée au comité de Salut Public si elle porte le moindre retard”.
Le 4 Frimaire An III impossible de fournir 40 quintaux à Sèvres. Mais le 10 Frimaire, ordre est donné de livrer 403 quintaux de grains (3/4 froment, 1/4 méteil) en l’espace de trois décades pour Versailles, Sèvres et Marly.
Suit le tableau :
Citoyen BAULT 100 quintaux (Beaudreville)
Citoyen ROQUET 30 quintaux
Citoyen DUVAL 20 quintaux
Veuve LE BRUN 40 quintaux
Antoine PESCHEUX 46 quintaux (La Boulaie)
Veuve M. PESCHEUX 46 quintaux (La Vacheresse)
Citoyen DESHAIS 46 quintaux (Feuillarde)
POLUCHE Fils 40 quintaux (Tallibourderie)
POLUCHE père 35 quintaux (Tallibourderie)
Pour aider les cultivateurs et hâter les battages, six prisonniers autrichiens sont mis à la disposition de la Municipalité pendant une dizaine de jours.
Mais les réquisitions ne vont pas sans mal ; c’est bien ce que déplore Pierre SEBlRE, agent national qui ne peut obtenir de Claude POLUCHE père, la livraison de 82 livres de blé. Aux instances “fraternelles” du responsable, POLUCHE répond “tout vivement qu’il ne fournirait pas le dit restant et que l’on ferait tout ce que l’on voudrait”.
Ni SEBIRE, ni POLUCHE ne semblent avoir été inquiétés. ll est vrai que nous sommes en 1795, Robespierre a été exécuté ; c’est la réaction thermidorienne.
André, Jacques, Philippe LEBRUN, l’ancien Seigneur de Ragonant est rayé de la liste des Émigrés.
Toute la famille DEVIN, avec amis et domestiques, part en villégiature à Maligny dans l’Yonne, où elle possède une propriété.
Le l4 juin 1795, une trentaine d’habitants de Gometz la Ville, conformément à un décret de la Convention Nationale, demandent que le culte catholique soit à nouveau célébré dans l’Église par Jean-Pierre MARTIN qui signe la Déclaration suivante :
“Je reconnais que l’Universalité des Citoyens Français est le Souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la République”.

La Garde Nationale est réorganisée. Elle est commune pour Gometz le Châtel et Gometz la Ville.
Le citoyen LABORDE est élu Capitaine (c’est le propriétaire de Ragonant, bientôt Maire de Gometz la Ville). DEVIN fils, sous-lieutenant (c’est M. DEVIN de Belleville : le Maire de la Restauration). Louis DUVAL, Pierre HAMELIN sont sergents. Antoine PESCHEUX, Jacques BOITE, Germain SEBIRE sont caporaux. Antoine PILON, tambour.
Des signes qui annoncent un ordre nouveau.
UNE RÉVOLUTION BIEN TRANQUILLE
En feuilletant le vieux registre de la Municipalité, on reste étonné, un peu déçu, que les grands événements, les grandes journées révolutionnaires en soient absents. Seules, après coup, apparaissent les conséquences.
La vie de chaque jour domine avec ses soucis quotidiens : la sécheresse, les blés gelés, des plaintes comme celle de la Veuve Michel PESCHEUX, de La Vacheresse, dont le champ d’avoine a été ravagé par des femmes de Gometz le Châtel des querelles, les réquisitions surtout.
Les mêmes noms reviennent, d’hommes dont les familles sont unies par les mariages et que l’on sent solidaires pour défendre leur petite communauté contre les Autorités
Il faut remarquer que parmi les Maires qui ont été élus, le seul Pierre SEBIRE était cultivateur ; Jean BRETON, Jean BLAIN, Jacques BOITE sont des artisans.
Sans doute qu’habitant le bourg, moins tenus par les travaux des champs, ils étaient mieux placés, plus disponibles pour remplir cette fonction. Peut-être apparaissaient-ils plus représentatifs des idées nouvelles.
Mais tous les membres du Corps Municipal semblent avoir eu le même souci de la collectivité et dans une période où ce n’était pas sans danger, ils ont pratiqué l’art difficile de servir l’intérêt général en ménageant les intérêts particuliers.